Article écrit par Thierry Blain, Fondateur et dirigeant de Kiné-Formations.
Ou comment scier la branche sur laquelle on est assis.
Alors que la FFMKR valide les propositions de la CNAM, les deux autres syndicats semblent plus sceptiques reflétant ainsi la déception des praticiens. Les propositions de la CNAM semblent bien médiocres en regard du retard pris depuis plusieurs décennies au sein de la profession. En effet, les conditions d’exercice tout autant que le niveau de rémunération semblent se dégrader au fil des années, malgré les dires de certaines personnes probablement déconnectées de la situation sur le terrain.
Comment tuer la profession de kinésithérapeute ?
En observant la situation avec un peu de recul, l’on est en droit de se poser cette question.
Quels sont les faits ?
Voyons ce qui se trame depuis plusieurs années.
– Niveau de rémunération : l’évolution du niveau de rémunération des kinésithérapeutes n’a jamais suivi l’évolution de l’inflation depuis au moins trois décennies. On demande aux professionnels des soins de qualité sans leur en donner les moyens. Ensuite, on s’étonne (ou pas) que des kinés réduisent le temps de soin ou augmentent le nombre de patients pris par heure. Si le niveau de rémunération était décent et le nombre de praticiens suffisant, il serait alors possible d’imposer des critères de qualité dans la prise en charge des patients. C’est ce qui est pratiqué par certains pays voisins (Belgique, Suisse) et cela semble fonctionner. Pourquoi n’est-ce pas une proposition en France ?
– L’arrivée des APA : Certain(e)s se réjouissent peut-être du développement des APA, mais à bien y réfléchir ne serait-ce pas un bon moyen de remplacer les kinésithérapeutes par des APA payés moins chers ? L’objectif étant toujours de faire des économies sur le budget de la santé, je crois malheureusement que nous avons laissé, encore une fois, d’autres décider pour nous.
– Les aides kinés : Sujet récurrent et clivant, la création d’une nouvelle profession pose question. Le conseil de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes en a débattu de manière unilatérale (Voir l’enquête d’Alizé Kiné à ce propos), mais quel est le véritable objectif de ce projet ? Il ne semble pas encore bien clair. Est-ce un moyen détourné de proposer de la kinésithérapie low-cost ? Ou de compenser la perte de revenu des kinésithérapeutes, ou de créer un modèle à l’américaine ou des kinésithérapeutes peuvent embaucher autant d’aides kinés qu’ils le veulent et transformer les cabinets en business ? Bien que débattue à l’assemblée nationale, cette proposition ne semble pas l’avoir été au sein de la profession.
– Maison sport-santé : Probablement pour de bonnes raisons, les maisons de sport-santé sont aujourd’hui une réalité. Certes, l’activité physique est indispensable à la santé, mais quelle est la place des kinésithérapeutes dans ce projet ? Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter cet article.
À travers ces quelques exemples, il parait évident que la mise en valeur des kinésithérapeutes et des bonnes pratiques ne soient pas à l’ordre du jour. Malheureusement, cette situation semble délibérément organisée dès les études.
L’orientation donnée dans les études de kiné
Parmi les orientations du contenu des études de kinésithérapie aujourd’hui, il apparaît que la priorité soit donnée au hands off et à la rééducation essentiellement basée sur l’activité physique. Bien évidemment, il s’agit d’une partie importante de notre profession mais celle-ci doit-elle supplanter toutes les autres pratiques ? À entendre les collègues ayant recours à de jeunes remplaçants ou assistants, il apparaît évident aujourd’hui que la pratique manuelle est carrément exclue pour cette nouvelle génération. Alors qu’une quatrième année impose aujourd’hui des contraintes supplémentaires aux étudiants, sans permettre une revalorisation de leurs futurs honoraires, le niveau de la pratique s’oriente vers celle d’un prof de sport. Qui n’a pas vu un remplaçant arriver en tenue de sport et ne proposer à leurs patients que des exercices physiques et compter toute la journée 1,2,3,4,5 puis 1,2,3,4,5. Quelle tristesse !
Alors que notre D.E. permet une grande variété de pratiques, nous en sommes réduits à ne proposer que des pratiques de prof de gym (métier respectable, mais autre métier). Le but ne serait-il pas à l’avenir de nous remplacer par des APA ? Probablement que oui. Mais malheureusement, les jeunes n’en n’ont pas encore conscience. Manipulés, ils se font les défenseurs de cette approche qui tuera leur métier.
Une médecine à deux vitesses
Le niveau de rémunération est si bas, que beaucoup de kinés cherchent naturellement à proposer des actes hors nomenclature voir à se déconventionner, et pire encore arrêter leur métier.
Le système médical français est tellement délabré que tous les professionnels de santé admettent que nous avons déjà une médecine à deux vitesses et que tout est fait pour cela s’amplifie même au sein de la kinésithérapie.
Quelles solutions alternatives pour les kinésithérapeutes ?
Tous les kinésithérapeutes cherchent à compenser leur perte de revenu (relative à l’inflation).
Pour notre part, et au sein de Kiné-Formations, nous avons toujours essayé de permettre aux participants d’améliorer l’ensemble de leurs pratiques thérapeutiques tant dans l’anamnèse que dans l’anatomie palpatoire (permettant d’obtenir un bilan fiable), que dans les propositions thérapeutiques qu’elles soient manuelles ou gymniques. Ceci dans un but de pertinence thérapeutique afin de ne pas garder des patients chroniques des années durant sans aucun résultat. D’autre part, nous avons à cœur de proposer des formations dites « rentables », afin que vous puissiez améliorer vos compétences tout en valorisant vos revenus.
Afin de rester optimistes, il appartient aux kinésithérapeutes en exercice de créer eux-mêmes la profession qui correspond, tout autant à une efficacité thérapeutique qu’aux attentes du contexte professionnel.
Bonnes fêtes à chacune et chacun.
Je partage avec vous un message d’un collègue (Joël Castanet) et ami français exerçant au Canada afin qui vous puissiez prendre conscience de la voie vers laquelle la kinésithérapie française pourrait aller si nous n’y. Prenons pas garde.
Au Canada, l’aide kiné existe déjà (le CNOMK a possiblement trouvé l’idée la-bas) il s’appelle aide-physio et se nomme précisément TRP (technologue en réadaptation physique).
Il n’aide pas le physiothérapeute
Il le remplace !
Il peut tout faire SAUF l’évaluation de départ.
Il est censé faire ce que le physiothérapeute a décidé suite à son bilan.
C’est un exécutant à rabais dans les hôpitaux. Dans le privé, le système de santé ne rembourse pas la physiothérapie sauf si le patient a une assurance privée.
Souvent le propriétaire de ces centres est un investisseur qui n’est pas dans le médical. Et cherche donc essentiellement le profit. Donc il adore les aides-physio bon marché qui lui rapportent.
Deux anecdotes pour finir :
-Les TRP sont sous le contrôle de l’ordre des physio.
En 2020 leur dénomination a changé pour devenir les thérapeutes sont devenus des technologues pour bien faire comprendre la limite.
– Ici le TRP ne peut pas travailler sans physio SAUF si le Médecin fait lui-même l’évaluation préalable. Il y a donc des endroits où cela se pratique même dans le public.
Donc plus besoin du physio !!! CQFD
D’où la nécessité de ré-inventer notre métier par nous mêmes sans rien attendre des instances de ce pays.
le podcast :