Article écrit par
Contexte actuel
Aujourd’hui, un couple sur sept est confronté à des difficultés pour concevoir un enfant. Ce chiffre est en constante augmentation, poussant à une véritable réflexion sur la santé reproductive en France.
Parmi les causes identifiées, l’âge de la première grossesse a considérablement reculé : en moyenne autour de 29 ans aujourd’hui, contre 24 ans dans les années 90. Ce décalage s’explique par des études plus longues, des parcours professionnels exigeants, mais aussi par un climat d’incertitudes économiques, sociétales et écologiques. À cela s’ajoute un mode de vie de plus en plus sédentaire, une exposition accrue aux perturbateurs endocriniens, au stress, à une alimentation moins qualitative, et à des substances nocives comme le tabac ou l’alcool.
Les causes féminines d’infertilité sont multiples : adhérences résultant d’IST, endométriose, antécédents chirurgicaux, troubles ovulatoires ou diminution de la réserve ovarienne. Chez les hommes, la baisse de la qualité du sperme est bien documentée : entre 1973 et 2011, le nombre moyen de spermatozoïdes a chuté de 59,3 %. À cela s’ajoute une part non négligeable (environ 25 %) d’infertilités dites « inexpliquées ».
Face à cela, le parcours PMA (procréation médicalement assistée) est souvent présenté comme la solution, mais il est loin d’être anodin : stress, examens parfois douloureux, traitements lourds, effets secondaires, tensions dans le couple, et délais de prise en charge rallongés face à une demande croissante.
Dans ce contexte, il devient indispensable d’envisager une approche complémentaire, centrée sur la globalité de la personne, pour une meilleure santé reproductive.
Le rôle du kinésithérapeute dans la fertilité
Quelles techniques peuvent être mobilisées pour accompagner les femmes en désir de grossesse ?
La kinésithérapie, en tant que thérapie par le mouvement, a pleinement sa place. L’activité physique agit sur la mobilité, les fascias, la circulation sanguine et lymphatique, et donc sur le bon fonctionnement des organes. Elle permet aussi la libération d’endorphines et de sérotonine, précieuses pour rééquilibrer les troubles hormonaux.
Le corps féminin fonctionne selon des rythmes cycliques spécifiques : en fonction des phases du cycle, ses besoins et ses capacités varient. Adapter l’activité physique à ces fluctuations permet d’en tirer le meilleur bénéfice. On n’entraîne pas une femme comme un homme !
La thérapie manuelle ayant pour but un meilleur mouvement et une meilleure mobilité a montré toute son importance dans les traitements préconceptionnels. Elle permet un fonctionnement plus optimal des organes du petit bassin, souvent mis en tensions par les adhérences, la sédentarité, les troubles digestifs.
En libérant ces restrictions, on favorise une meilleure circulation sanguine, lymphatique et nerveuse dans la zone pelvienne. Cette liberté de mouvement est essentielle au bon fonctionnement des organes reproducteurs et à l’équilibre hormonal. En redonnant de la souplesse aux tissus, on soutient ainsi activement la fertilité naturelle.
Accompagner une femme après l’arrêt de la contraception
Le cycle féminin et la fertilité restent mal connus. Les cours de SVT sont lointains, les fausses croyances nombreuses, et les signaux du corps mal interprétés. Or, la fertilité n’est pas automatique : elle ne se met en place que si le corps est en bonne santé. Être fertile, c’est avant tout être en forme physiquement, psychiquement et émotionnellement.
Pourtant, en France, de nombreuses femmes vivent avec une santé fragilisée. Leur cycle menstruel – véritable miroir de leur état de santé global, considéré comme le cinquième signe vital – est souvent masqué par des contraceptifs hormonaux.
C’est là que notre rôle éducatif prend toute son importance : aider les femmes à se reconnecter à leurs sensations, à observer leurs marqueurs de fertilité, à redevenir actrices de leur corps et de leur projet de maternité. [1]
Sur quels axes de santé agir pour soutenir la fertilité ?
- Le stress chronique, par son impact sur l’axe hormonal, le système nerveux autonome et les ovocytes, est un ennemi de la fertilité. Nous pouvons proposer des outils concrets pour mieux le gérer : respiration, mobilisation, relaxation, thérapie manuelle…[3 & 4]
- Le stress oxydatif, souvent lié au stress chronique, est délétère pour la santé ovarienne. Il peut être apaisé par une prise en charge complète ( alimentation, habitudes de vie… )
- L’inflammation chronique, qu’elle soit d’origine digestive, hormonale ou liée à des pathologies comme l’endométriose, altère le fonctionnement des tissus par le manque de vascularisation qu’il impacte et constitue un frein à la conception.
- L’équilibre hormonal par la kinésithérapie : nos techniques ont leur intérêt pour rétablir un équilibre hormonal et une bonne santé du cycle ovulatoire. Une étude a notamment démontrer une amélioration de la régularité des cycles ainsi qu’une diminution des douleurs menstruelles dans le cadre des patientes atteintes de SOPK [2]
- Par l’amélioration de la vascularisation, qui permet d’optimiser les échanges dans le petit bassin. Toute action en ce sens potentialise un terrain plus favorable à la fertilité et l’équilibre hormonal chez la femme.
- La sédentarité, quant à elle, ennemi de l’équilibre hormonal par tous les versant qu’elle impacte, nuit au bon fonctionnement des viscères et contribue à des déséquilibres hormonaux, inflammatoires et nerveux. Le mouvement, au contraire, stimule le nerf vague, améliore la respiration, soutient la sécrétion d’endorphines et de sérotonine et participe activement à la santé globale de la femme.
Pour aller plus loin…
Agir en prévention de la grossesse
L’activité physique est aujourd’hui reconnue comme bénéfique pendant la grossesse, tant pour la mère que pour l’enfant. Mais elle ne peut être efficace que si elle a été intégrée en amont de la grossesse. En tant que professionnels de santé, notre rôle est aussi d’intervenir en prévention, afin de préparer le corps à vivre une grossesse dans les meilleures conditions possibles : posture, tonus abdominal et périnéal, mobilité, respiration… Tout cela s’anticipe.
Conclusion
La kinésithérapie en fertilité est une approche de santé publique, qui vise à accompagner les femmes dans leur globalité, à optimiser leur santé en amont d’un projet de grossesse, et à soutenir leur parcours, qu’il soit naturel ou médicalisé.
Même si notre action ne résout pas toutes les situations, elle représente un soutien précieux, complémentaire et durable. Elle renforce l’autonomie des femmes et leur capacité à être actrices de leur fertilité.
Références
[1] Mohamed, H. M., et al. (2024). Effect of health education program on knowledge, stress, and satisfaction
among infertile women undergoing in vitro fertilization injection. Middle East Fertility Society Journal.
doi: 10.1186/s43043-023-00160-8
[2] Yosri, M. M., et al. (2022). Effect of visceral manipulation on menstrual complaints in women with
polycystic ovarian syndrome. Journal of Osteopathic Medicine. doi: 10.1515/jom-2021-0255
[3] Karunyam, B., et al. (2023). Infertility and cortisol: a systematic review. Frontiers in Endocrinology.
doi: 10.3389/fendo.2023.1147306
[4] Chaudhary, P., & Garg, R. (2024). Effects of relaxation techniques in reducing stress and anxiety
among infertile women: A systematic review. Indian Journal of Obstetrics and Gynecology Research. doi:
10.18231/j.ijogr.2024.094
L’analyse en podcast
L’analyse rapide en vidéo
Pour aller (encore) plus loin :
Formation kinésithérapie et fertilité : accompagner la pré-conception
Formation pour kinésithérapeutes visant à optimiser la prise en charge des femmes en désir de grossesse par des techniques adaptées.
Formation kinésithérapie et fertilité : accompagner la pré-conceptionLire la suite »