Pourquoi (encore) utiliser le support papier dans le cadre de la formation continue des pros de santé ?

Article et podcast écrits et enregistrés par Benoit CARON, Directeur de Kiné-Formations.

 

Il est de coutume d’accuser le papier de tous les maux. Ringard, chronophage, polluant, onéreux, peu ergonomique, c’est un support qui s’est vu progressivement relégué à la dernière place derrière la multitude des outils numériques à notre disposition aujourd’hui, en 2023. Et pourtant, le papier a bien entendu eu son heure – et elle a été particulièrement longue – de gloire. Alors, le papier est-il à mettre définitivement au placard ? Au delà, c’est également et surtout la question de l’écriture manuelle qui se pose.

1. Un peu d’histoire

a) Le Papier

L’invention du papier remonte à l’ancienne Chine, où il est apparu pour la première fois au IIe siècle avant notre ère. Le processus de fabrication du papier a été développé par les Chinois et a ensuite été transmis à d’autres civilisations à travers les échanges commerciaux et culturels.

La première forme de papier était fabriquée à partir de fibres végétales, principalement de chanvre, de paille et d’écorce d’arbre. Le procédé de fabrication du papier impliquait de décomposer ces matières premières en fibres, de les mélanger avec de l’eau, puis de les étendre sur une surface plane pour former des feuilles. Les feuilles étaient ensuite pressées et séchées pour obtenir du papier prêt à être utilisé.

Au fil du temps, les techniques de fabrication du papier se sont améliorées et se sont répandues dans d’autres parties du monde, notamment au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe. Au VIIIe siècle, les Arabes ont commencé à produire du papier à partir de chiffon de lin, ce qui a amélioré la qualité et la durabilité du papier. Au XIIe siècle, la fabrication du papier s’est répandue en Europe grâce aux croisades et au commerce avec les pays arabes.

L’invention du papier a eu un impact révolutionnaire sur la société et la culture. Avant l’avènement du papier, les supports d’écriture courants étaient le papyrus, les tablettes d’argile et le parchemin, qui étaient plus coûteux, moins pratiques et plus difficiles à produire. Le papier était moins cher, plus léger et plus facile à fabriquer en quantités plus importantes, ce qui a favorisé la diffusion de l’écriture, de l’éducation et des idées.

Le papier a joué un rôle crucial dans le développement de l’imprimerie, qui est devenue une innovation majeure pour la diffusion des connaissances à grande échelle. Avec l’imprimerie, les livres sont devenus plus accessibles, ce qui a favorisé la propagation des idées, la diffusion de l’information et l’évolution de la société.

Aujourd’hui, le papier est toujours largement utilisé malgré l’avènement des technologies numériques. Il est utilisé dans de nombreux domaines, tels que l’écriture, l’impression, l’emballage, les arts et l’artisanat, et il reste un support polyvalent et durable pour de nombreuses applications.

 

On le voit, papier et transmission des connaissances sont étroitement liés depuis la nuit des temps.

Mais le papier n’est que le support. Reste à l'”encoder”

 

b) L’écriture

Origines : Les premières formes d’écriture manuscrite ont émergé dans les anciennes civilisations de Mésopotamie, d’Égypte, de Chine et d’Inde vers le quatrième millénaire avant notre ère. À cette époque, les systèmes d’écriture utilisaient des pictogrammes, des idéogrammes ou des cunéiformes, gravés ou inscrits sur des tablettes d’argile ou des supports en pierre.

L’émergence des alphabets : L’une des avancées majeures dans l’histoire de l’écriture manuscrite a été l’invention des alphabets, où chaque caractère représente un son spécifique plutôt qu’un objet ou une idée. Les alphabets ont émergé dans différentes régions du monde, notamment en Phénicie (actuel Liban) vers le deuxième millénaire avant notre ère.

Papier et parchemin : Avec le développement du papier, l’écriture manuscrite a trouvé un support plus pratique et largement utilisé. Auparavant, le parchemin, fabriqué à partir de peau d’animaux préparée, était le principal support d’écriture.

 

2) Pourquoi écrire à la main quand on veut apprendre ?

 

Longtemps, la transmission du savoir s’est faite à l’oral.  L’écriture ne venant qu’encoder des sons et surtout, elle permettait de reproduire fidèlement l’idée originale, avec un minimum de 

déformation. On sait aujourd’hui que notre expérience, notre vécu, influe subjectivement sur notre manière de concevoir le monde, et un texte identique ne sera donc jamais perçu de la même manière par deux individus distincts.

 

Alors quels sont les avantages de l’écriture manuelle dans le cadre de l’apprentissage ?

Notre métier est de former des professionnels de santé, et en majorité des kinésithérapeutes (on ne s’appelle pas “Kiné-Formations” pour rien). Voici 5 avantages pour le MKDE d’utiliser l’écriture manuelle dans le cadre de leur formation et leur développement continus :

• Apprentissage plus profond : Des études ont montré que l’écriture manuscrite favorise un apprentissage plus profond et une meilleure compréhension des informations. Lorsque les kinés écrivent à la main leurs notes ou leurs observations, ils sont plus susceptibles de s’engager activement avec le contenu, de le réfléchir et de le traiter de manière plus approfondie.
• Organisation des idées : L’écriture manuscrite encourage l’organisation spatiale des informations. Les kinés peuvent utiliser des diagrammes, des schémas et des flèches pour représenter visuellement les concepts et les relations entre eux. Cela facilite la compréhension globale et l’organisation des idées, ce qui est essentiel dans le domaine de la kinésithérapie.
• Encodage mnémonique : L’acte d’écrire à la main stimule la mémoire mnémonique. Les kinés qui prennent des notes à la main sont plus susceptibles de se souvenir des informations plus longtemps, car l’association de l’écriture avec le contenu renforce les connexions mnémoniques dans le cerveau.
• Flexibilité et personnalisation : L’écriture manuscrite permet aux kinés de personnaliser leurs notes en utilisant des codes de couleurs, des surlignages et des annotations. Cela leur donne la liberté de mettre en évidence les points importants, de faire des liens entre différents sujets et de créer leur propre système d’organisation, ce qui facilite la récupération ultérieure des informations.
• Développement de compétences graphomotrices : En tant que kinésithérapeutes, la maîtrise des compétences graphomotrices est pertinente pour les évaluations et les traitements. L’écriture manuscrite quotidienne peut aider à développer et à maintenir ces compétences, ce qui peut se révéler bénéfique lors de l’utilisation d’instruments de précision dans leur pratique.

 

En somme, l’écriture manuscrite dans la formation des kinés peut favoriser un apprentissage plus approfondi, une organisation des idées, une meilleure rétention de l’information, une personnalisation des notes et le développement des compétences graphomotrices essentielles pour leur pratique.

3) Prouvons-le.

 

Cette étude est très récente.

Des neuropsychologues de l’université norvégienne de sciences et de technologie (NTNU) ont réalisé une étude avec vingt-quatre volontaires (enfants et jeunes adultes) pour comparer l’activité cérébrale lors de différentes méthodes de transcription.

Les participants devaient retranscrire quinze mots en utilisant :

1. soit l’écriture manuscrite,
2. soit des dessins réalisés à l’aide d’un stylo numérique sur un écran tactile,
3. soit une saisie sur un clavier.

L’activité électrique de leur cerveau était mesurée à l’aide d’un électro-encéphalogramme (EEG). Les résultats, publiés dans la revue Frontiers in Psychology, ont montré une activité synchronisée des bandes thêta dans les régions pariétales lors de l’écriture manuscrite et de la création de dessins, ce qui n’était pas observé lors de l’écriture au clavier. Cette activité est associée à l’apprentissage et à l’encodage de nouvelles informations.

Ainsi, l’étude suggère que l’écriture manuscrite et le dessin pourraient avoir des effets bénéfiques sur la cognition.

Pour en savoir plus, je vous recommande cet article.

4) Alors, comment associer l’écriture manuelle avec les nouvelles technologies ?

 

Utiliser le meilleur des deux aspects, cela va sans dire.

Centraliser les connaissances dans un outil unique, personnalisable, et qui permette de faire appel à du contenu enrichi à tout moment d’un cours. Cela paraît simple, mais cela nécessite un

gymnastique technique permanente.

• des espaces libres pour écrire, noter, personnaliser
• des niveaux de lecture efficaces
• des liens (QR codes) vers du contenu supplémentaire en ligne

C’est à l’ombre de ces considérations que le choix d’un support papier (syllabus) est demeuré pertinent à nos yeux, même en 2023. Et c’est sans compter la copie illicite et le vol de propriété intellectuelle, si facile dans le cadre de fichiers numériques.

 

Le podcast :