
Par Elsa Holfert
Personne n’ignore l’importance du petit déjeuner. Des adages de « petit déjeuner de roi », aux souvenirs du type « Ne pars pas à l’école le ventre vide ! » : on a tous intégré l’idée d’un enjeu majeur pour nos enfants. Et pourtant, beaucoup de parents se questionnent, et il est bien difficile de trouver des informations pertinentes, impartiales et pratiques à ce sujet.
Fuyez le sucre au petit déjeuner !
Les aliments le plus souvent consommés, ceux qu’on voit dans les publicités et qu’on trouve sur les buffets des centres de vacances, sont des aliments sucrés. Consommer du sucre le matin, sous toutes ses formes, est un grave non-sens en matière nutritionnelle. Ceci est un fait reconnu, et admis par toutes les personnes qui enseignent, se forment, ou changent leur alimentation au regard des grands principes de la micronutrition. Les adultes, donc. Les adultes informés.
Pour aller encore plus loin vis-à-vis de ce raisonnement, mentionnons que les produits industriels marketés spécifiquement pour les enfants sont encore pires que les produits de petit-déjeuner déjà discutables qui s’adressent à nous, adultes. Leur goût sucré se combine à leur valeur nutritionnelle inexistante (on parle de calories vides : de l’énergie qu’il faut dépenser, mais aucun nutriment essentiel) et en plus, ils sont très souvent bourrés d’adjuvants et de colorants. Ces aliments industriels ultra-transformés sont mis en cause dans les compétences scolaires, les troubles de l’attention, les dérèglements métaboliques et endocriniens de plus en plus précoces : c’est une véritable urgence de santé publique !
Alors, c’est bien simple : exit les céréales multicolores, le chocolat en poudre, les jus de fruits en brique, la pâte à tartiner ! Si vous lisez cet article, vous le saviez peut-être déjà. Vous avez sans doute déjà mis en place pour vous même le fameux petit déjeuner protéiné. En effet, cette grande règle de la chronoalimentation permet d’apporter les nutriments importants pour la synthèse des hormones et neurotransmetteurs du matin. Consommer un petit déjeuner plutôt salé, gras et protéiné permet d’être moins fatigué, plus motivé, d’avoir une énergie plus stable et de meilleures performances. La plupart des adultes change facilement ses habitudes et peut alors apparaître une nouvelle problématique : comment adapter ce conseil aux enfants ?
Les protéines avec mesure
En effet, on ne doit pas envisager cette règle nutritionnelle à l’identique pour nos enfants ! En particulier pour une raison principale : les enfants ont des besoins limités en protéines.
A l’inverse de ce que l’on observe chez les adultes (la consommation de protéines en pratique courante est généralement insuffisante), les enfants en consomment déjà beaucoup trop, quel que soit le modèle nutritionnel de la famille. Rappelons que l’organisme n’a pas de système de stockage pour les protéines. Chaque jour, l’excédent doit être excrété par le rein, tandis qu’un déficit impactera les fonctions dépendantes des acides aminés (immunité, neurotransmetteurs, fibres musculaires). On doit donc chercher à être au plus juste dans nos apports quotidiens.
Le métabolisme des enfants est très différent du nôtre, puisqu’ils grandissent et font maturer leur système nerveux, tandis que nous utilisons notre énergie principalement pour entretenir nos tissus. Ils sont également – en général – plus actifs physiquement. On retiendra donc que, proportionnellement, ils ont besoin d’un peu plus de glucides, et surtout, de beaucoup de gras (qui a un intérêt majeur dans la construction du cerveau et du système nerveux).
La question de l’excès alimentaire de protéines chez les enfants est largement documentée dans le cadre des recherches autour des préparations pour nourrissons (lait artificiel). Les industriels peinent à produire un produit aussi équilibré que le lait humain, et par essence ces préparations sont toujours plus chargées en protéines que le lait maternel. Cette caractéristique est l’un des facteurs qui augmentent le risque d’obésité chez les enfants non allaités. Méfions nous du sucre, surtout le matin, mais ne dédiabolisons pas trop vite les protéines chez les petits !
Pour autant, j’aimerais dire un mot du modèle végétarien qui peut être parfois choisi par des familles ou les enfants eux-mêmes. Il pourrait sembler pertinent au vu des paragraphes précédents, mais rappelons qu’un régime végétarien, pour être bien conduit, doit proposer un équilibre subtil entre les différentes sources d’acides aminés essentiels. Notons également que les enfants sont presque toujours carencés en fer, et s’ils ne consomment jamais de viande rouge, ce sera d’autant plus le cas. Enfin, le modèle de consommation des graisses dans les régimes végétariens est souvent très problématique : sans poisson, et avec beaucoup d’oléagineux, on peut très vite basculer dans des profils d’acides gras pro-inflammatoires, ce qui est d’autant plus problématique chez les enfants dont les besoins en graisses sont majeurs.
Et en pratique ?
Il n’est pas toujours facile de traduire les recommandations d’apport de protéines, en quantité d’aliment brut. On retient qu’il y a 7g de protéines dans un œuf, 25g dans 100g de viande par exemple. Les
recommandations officielles sont cohérentes et permettent de s’y retrouver de manière pratique : comptez 10g d’aliment type « viande-oeuf-poisson » par année d’âge en cours et par jour. Auxquels seront ajoutées les protéines végétales et laitages consommés en complément. C’est une manière grossière de calculer mais qui tombe juste dans la plupart des situations et qui a le mérite d’être assez simple.
Pour un élève de CE1, on doit donc viser 90g d’aliment riche en protéines par jour. Or un œuf pèse 60g, un steak haché : 100g, une saucisse au barbecue du soir : au moins 70g ! Faites le calcul, si votre enfant mange des œufs au plat et de la charcuterie le matin, et déjeune à la cantine, il explose le compteur, et ce, chaque jour.
Les solutions se doivent d’être créatives et personnalisées. Gardez l’idée d’apporter des acides aminés indispensables au petit déjeuner, mais avec des aliments faiblement protéinés et qui apportent d’autres nutriments : des oléagineux comme le beurre de cacahuète, du houmous, du fromage frais de qualité. Ne transposez pas vos idées et vos besoins d’adultes sur l’assiette de vos enfants : ils peuvent plus facilement tolérer les glucides comme un bon pain complet, des fruits, des flocons non sucrés. On veillera également à charger leurs apports en graisses, en les choisissant avec soin : des huiles crues biologiques riches en oméga 3, des noix, de l’avocat, des produits à base de coco, du jaune d’œuf.
Mon tuyau pour les parents : donnez le jaune (riche en gras et en vitamines) d’un œuf au plat ou dur à votre enfant, et mangez le blanc (riche en protéines) en plus de vos œufs à vous.
N’oublions pas qu’un enfant dont on a préservé le rapport instinctif à la nourriture (avec l’allaitement maternel non écourté ou la diversification menée par l’enfant par exemple) saura très souvent de quoi il a besoin. Le petit déjeuner peut être différent chaque jour ! Il doit être joyeux, inventif et spontané, comme nos enfants !
bibliographie
- Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai, Anthony Fardet
- Grain brain, David Perlmutter
- Etre et ne plus etre autiste, Nathalie Champoux
- Santé !, Nathalie Champoux
- Parle à mon ventre ma tete est malade, Maud Gabriel
- Le syndrôme entéro-psychologique, Natasha Campbell-Mc Bride
- Bébé Veggie, Ophélie Véron
- www.lllfrance.org/vous-informer/actualites/1931-en-quoi-le-lait-humain-et-le-lait-industriel-sont-ils-differents
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