Article écrit le 30 marspar Franck Le Gall, médecin de l’équipe de France de football.
En sélection, après l’entraînement, Nolan se plaint un peu plus que d’habitude de ses ischio-jambiers gauches sur la table du kiné. Il joue depuis 10 jours au moins avec une lourdeur mal systématisée. Il l’a tout de même sentie plus nettement en fin de match contre Monaco le 17/03. Arrêté deux jours pour un hématome sous-unguéal droit, il s’entraîne ensuite normalement avec la sélection et participe aux séances de frappes. Une échographie le 19/03 est normale. Le 22/03, il joue 15 minutes contre le Pérou et fait les deux séances d’entraînement suivantes.
Le 24/03 au soir, sur la table de kiné, les douleurs sont plus importantes aux massages de récupération.
L’examen clinique réalisé à la demande du kiné est positif au 1/3 inféro-interne des ischio-jambiers gauches. L’échographie retrouve une petite image hyperéchogène
dans le semi-membraneux et un décollement associé, limité. L’IRM (voir clichés ci-contre) obtenue dans la soirée confirme cette image de grade 2.
Nolan est renvoyé au club alors même qu’il se sentait capable de continuer à jouer.
Les premiers jours sont consacrés au protocole RICE. On annonce un délai de 10 à 15 jours avant le retour dans le groupe.
Le vélo est débuté à J4 avec une augmentation progressive des charges jusqu’à J9 (2 fois 6 min en 15-15).
L’iso excentrique sur CON-TREX est débuté à J5 (on débute à 45 Nm, 3 fois 10 reps à 5°/s).
À J8, on introduit la course (15 min à 10 km.h-1 le 2/04, puis 2 fois 15 min à 13 km.h-1 le 3/04), du fait d’un examen clinique strictement normal.
On augmente le travail de course à 3 fois 6 min (en 15-15 à 17 km.h-1) à J10, puis 3 fois 4 min (en 10-20 à 20 km.h-1, 8-22 à 22 km.h-1 et 5-25 à 24 km.h-1) le lendemain, en même temps que le travail d’appuis avec ballon.
Les deux dernières séances sont centrées sur la course à haute intensité, les changements de direction et le jeu avec ballon. Le renforcement excentrique est poursuivi à 90 Nm le 5/04 et 100 Nm le lendemain.
On envisage la reprise avec le groupe le lundi 8/04, lendemain d’un match de championnat à Gerland, alors que le coach aurait souhaité l’avoir sur le banc au cas où… D’autant qu’on a fait match nul ce soir-là. Le coach me l’a fait savoir dès la fin du match dans le couloir de retour au vestiaire… La reprise dans le groupe se passe sans problème, en dehors de quelques tensions musculaires le 10/04 avant séance, bien levées par le travail en salle.
Nolan est dans le groupe pour jouer contre Nîmes le 11. Il joue 63 minutes sans problème.
On poursuit le traitement de prévention jusqu’à la fin de saison.
Questions posées – Comment fonctionner correctement avec le staff technique pour la reprise, toujours source de tension entre les trois parties, joueur-médecin-entraîneur ? – Quelle est l’attitude rationnelle la plus logique en termes de temps de jeu à la reprise ?
La localisation au 1/3 inférieur du semi-membraneux explique sans doute le mode d’entrée un peu « bâtard » de cette déchirure, de type contracture.
L’objectif de jouer en sélection nationale explique aussi peut-être cela, même si Nolan se sent encore capable de jouer le 25/03.
On voit la difficulté de la relation avec l’entraîneur. Jouer le 7/04 n’était pas logique, puisque l’on considère qu’il faut quelques séances d’entraînement avec le groupe avant de rejouer. Mais sa présence sur le banc n’aurait rien eu non plus d’extraordinaire, l’objectif en fin de saison étant de gagner les derniers points, parfois en prenant quelques risques. Et quand on ne gagne pas, il faut passer ses nerfs ou trouver des responsables… Le joueur n’est pas toujours de bon conseil :
certains sont hyperactifs, d’autres sont plus pantouflards. Au milieu de tout cela, il faut faire un choix le plus logique possible.
Le traitement n’a pas de particularités : protocole RICE, massages de la cicatrice et excentrique, progression dans la charge de travail.
En ce qui concerne la prévention d’une récidive, retrouver des niveaux de force symétriques est une première étape, mesurés idéalement par un test isocinétique en concentrique (60 et 240°/s) et excentrique (30°/s). Ensuite, il existe quelques exercices à pratiquer en salle de façon routinière, 2 à 3 fois par semaine, à raison de 2 séries de 10 reps au maximum (1). Les Nordic hamstring auraient surtout un impact sur la courte portion du biceps et le semi-tendineux, le Flywheel leg-curl sur presque tous les groupes musculaires et le Hip-extension conic-pulley sur l’insertion proximale du long biceps et la portion moyenne du semi-tendineux (2). Une combinaison de ces exercices constitue très certainement un excellent moyen de diminuer fortement le risque de blessure aux ischio-jambiers.
Notre confrère interrogé sur notre prise en charge concède que l’idéal est une « réunion tripartite » pour définir la meilleure conduite à tenir. Dans ce type de dossier, il trouve plus logique de faire démarrer le match au joueur (meilleur échauffement, augmentation progressive de l’intensité en cours de match), plutôt que rentrer sur le terrain en fonction du résultat avec un échauffement bâclé.
1 – Ernlund L, Vieira L. Hamstring injuries: update article. Rev Bras Ortop, 2017, 52, 373-382.
2 – Mendez-Villanueva A, Suarez-Arrones L, Rodas G, Fernandez-Gonzalo R, Tesch P, Linnehan R, Kreider R, Di Salvo V. MRI-Based Regional Muscle Use during Hamstring Strengthening Exercises in Elite Soccer Players. PLoS One. 2016, 11(9).
Crédit photo: FFF, Simon Morcel