En tant que soignant et kinésithérapeute, suis-je placebo ou nocebo ?

Article écrit par Thierry Blain, Fondateur et dirigeant de Kiné-Formations.

Bien que les techniques de traitement les mieux choisies, précises et individualisées restent essentielles pour obtenir de bons résultats, notre communication devrait être adaptée, bienveillante et cohérente. Même la meilleure des techniques peut perdre en efficacité si notre communication est inadaptée. 

En tant que soignant, chaque mot que nous prononçons, chaque geste, chaque regard, chaque silence a une résonance dans le corps du patient. De nombreuses études le démontrent : l’effet placebo est aussi réel que mesurable, tout comme son opposé, l’effet nocebo . (Voir ci-dessous)..

Imaginez votre communication comme un médicament : elle peut guérir, rassurer, encourager. Mais mal dosée ou mal formulée, elle peut aussi enivrer, freiner ou bénir.

Ce que dit la science

• Effet placebo : des études comme celles publiées dans Pain Management ou ScienceDirect ont mis en évidence que l’attente positive générée par le thérapeute (via ses paroles, sa tenue ou son attitude) active dans le cerveau les mêmes circuits que certains antidouleurs. En effet, les endorphines, la dopamine et d’autres neuromodulateurs jouent un rôle clé dans cette réponse naturelle.
• Effet nocebo : à l’inverse, lorsque le discours du soignant est anxiogène ou pessimiste, les zones cérébrales associées à la douleur s’activent davantage. Une méta-analyse dans Nature Reviews Neuroscience souligne que les attentes négatives peuvent aggraver la douleur, prolonger les symptômes et freiner la récupération.

C’est donc un fait : notre attitude modifie la biologie du patient.

L’effet placebo en action : quand le soin passe aussi par l’humain

Voici quelques comportements ou phrases qui renforcent naturellement un effet placebo :

• “Je vois que vous avez déjà bien progressé.”
• “Nous allons travailler ensemble pour retrouver votre confort.”
• “Ce type de douleur répond généralement très bien à notre prise en charge.”
• Sourire sincèrement, maintenez un contact visuel chaleureux.
• Valoriser les efforts du patient, même minimes.
• Prendre le temps de l’écouter sans interrompre.

C’est simple, humain et puissant. En réalité, ces éléments sont parfois plus efficaces qu’une technique complexe mal introduite ou déconnectée du vécu du patient.

L’effet nocebo : quand le soin devient obstacle sans qu’on s’en rend compte

Sans le vouloir, certaines phrases ou attitudes peuvent aggraver l’état du patient :

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• “Vous avez une hernie discale… il faudra vivre avec.”
• “À votre âge, on ne récupère jamais complètement.”
• “Attention, ce mouvement est dangereux.”
• Adopter un ton distant, expéditif ou condescendant.
• Ne pas répondre aux questions ou minimiser les plaintes.

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Chaque mot devient alors une graine de doute, une micro-angoisse qui germe en douleur chronique ou en limitation fonctionnelle.

Rôle du soignant :

Vos outils sont vos mains, votre savoir… mais aussi votre capacité à transformer l’expérience du soin. Vous êtes l’interface entre le corps du patient et sa confiance en l’avenir. Et bonne nouvelle : ce pouvoir se travailler, se développer et s’harmoniser.

Être un soignant porteur d’effet placebo, c’est :

• Être conscient de l’impact de sa parole.
• Restez humble face à ce pouvoir d’influence.
• Se former continuellement, pas seulement à des techniques, mais aussi à l’art de l’écoute, de la présence et de la relation.

Vers une pratique soignante plus complète

Nous ne sommes pas que des réparateurs de corps. Nous sommes des témoins actifs du chemin de nos patients vers le mieux-être. Et parfois, un mot juste vaut autant qu’un massage profond. Une phrase rassurante vaut souvent un protocole complexe. Une écoute sincère vaut parfois une ordonnance.

En tant que kinésithérapeutes, nous avons cette chance rare d’avoir du temps avec le patient. Chaque séance est une opportunité d’activer un placebo naturel. Chaque regard, une occasion d’être thérapeutique. Chaque mot, un choix entre soulager… ou alourdir.

Devenir un soignant placebo, ça s’apprend

Choisir de devenir un « placebo » soignant, c’est faire le pari d’une humanité soignante. C’est s’engager dans une voie où le professionnalisme technique se marie à l’intelligence émotionnelle.

Et surtout, c’est une manière d’exercer qui nourrit aussi le soignant, en lui donnant le sentiment profond d’agir avec justesse, dans la joie, l’empathie et l’efficacité.

https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2021.788230/full

https://postprint.nivel.nl/PPpp3914.pdf

https://breathe.edu.au/wp-content/uploads/2019/02/Testa-2016.pdf

https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC8478741/

https://www.linkedin.com/pulse/7-ways-enhance-placebo-limit-nocebo-effects-larry-benz/

https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC8915751/

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